Culture

Pour une culture de la vie et de la découverte

mardi 21 mars 2017

Ce texte est extrait du programme présenté par Jacques Cheminade à l’élection présidentielle de 2017. Notre gouvernement ne se dotant pas des moyens à la mesure des défis de notre époque, il reste plus que jamais d’actualité.

Trois citations :

Laissez-moi écrire les chants d’une nation et peu m’importe qui écrit ses lois.

(Daniel O’Connell, patriote irlandais.)

La passivité croissante de la vie quotidienne, l’augmentation des heures de loisirs, inemployées ou mal employées, sont de nature à provoquer une nette dégénérescence de l’être humain... Loisirs sportifs, loisirs touristiques, loisirs culturels, tels sont les trois aspects complémentaires d’un même besoin social : la conquête de la dignité, la recherche du bonheur.

(Léo Lagrange, sous-secrétaire d’Etat aux Sports et à l’organisation des loisirs du Front populaire.)

A cet égard, je ne crois pas qu’en contemplant ce qu’Ilya Ehrenbourg appelle ’les trésors qu’elle a jetés à toute la terre’, la France ait à se défendre d’une fierté justifiée... Mais la flamme claire de la pensée française, comment eût-elle pris et gardé son éclat si, inversement, tant d’éléments ne lui avaient été apportés par l’esprit des autres peuples. La France a pu, de siècle en siècle et jusqu’au drame présent, maintenir à l’extérieur le rayonnement de son génie. Cela lui eût été impossible si elle n’avait eu le goût et fait l’effort de se laisser pénétrer par les courants du dehors. En pareille matière, l’autarcie mènerait vite à l’abaissement. Sans doute, dans l’ordre artistique, scientifique, philosophique, l’émulation est-elle un ressort dont il ne faut pas que l’Humanité soit privée, mais les hautes valeurs ne subsisteraient pas dans une psychologie outrée de nationalisme intellectuel. Nous avons, une fois pour toutes, tiré cette conclusion que c’est par de libres rapports spirituels et moraux, établis entre nous-mêmes et les autres, que notre influence culturelle peut s’étendre à l’avantage de tous et qu’inversement peut s’accroître ce que nous valons.

(Charles de Gaulle, dans un discours prononcé à Alger le 30 octobre 1943, à l’occasion du 60e anniversaire de l’Alliance française.)

Je lis aujourd’hui Un budget d’avenir, le texte publié par notre ministère de la Culture et de la Communication pour le Projet de loi de finances 2017. Il décrit un budget de la culture en augmentation de 5,5 % (1,1 % du budget total de l’Etat) et présente une panoplie de mesures et de secteurs d’intervention extrêmement divers et intéressants. Cependant, en même temps, je vois des programmes de divertissement télévisés qui, chez nous comme dans toute l’Europe, abêtissent, infantilisent et dépolitisent.

Je constate aussi que depuis le début du XXIe siècle, les enfants ont perdu deux heures de sommeil par nuit, que leur capacité de concentration intellectuelle a baissé et que de 4 à quatorze ans, ils passent en moyenne 3 heures par jour devant un écran. De 16 à 24 ans, les ados et les jeunes y passent, eux, au moins quatre heures, plus, à partir de 14 ans, près de deux heures par jour sur les réseaux sociaux. Cette consommation d’images se fait généralement en solitaire et, particulièrement pour les garçons, s’attache à des jeux de guerre ou de violence urbaine, impliquant constamment des meurtres ou des abus de toute sorte. Pour les filles, on livre des produits de séduction mutuelle assurée qui les réduisent à des objets consommables, soit en dévoilant leur corps soit en voilant leur esprit.

La réponse que donnent les adultes qui participent à cet univers est que ces deux choses n’ont rien ou peu de chose à voir. Je pense au contraire qu’il est impératif, pour construire un monde meilleur et plus juste, de prendre à bras le corps ce paradoxe entre l’effort public apparemment méritoire, du moins en période électorale, et le résultat social désastreux que tout parent peut constater.

J’amène ce sujet en tête de mon projet présidentiel car si nous vivons une occupation financière qu’il faut combattre, nous sommes en même temps soumis par ces forces financières à une occupation culturelle. Le dénominateur commun est de propager une conception du monde fondée sur la perception immédiate, la possession, la cupidité et l’absence de respect de l’autre entretenant un sommeil de la raison qui engendre des monstres.

En d’autres termes, il ne faut pas que la culture reste comme aujourd’hui une distraction entre les mains de privilégiés, mais que l’art et la science, c’est-à-dire le domaine où s’exprime la création qui est le propre de l’homme, soient rendus au peuple et aux jeunes. L’enjeu est une guerre entre une culture de la mort et ce que doit être une culture de la vie, de l’émancipation et de la découverte.

Car nous sommes en guerre. Un nombre croissant de Français le comprennent sur le plan de l’exploitation et de l’exclusion financière, mais ce qu’ils ne perçoivent pas toujours, c’est que le champ de bataille où se livre cette guerre est leur esprit. Elle plonge ses racines dans l’abandon progressif par notre société d’un engagement sans compromis pour la recherche de la vérité dans la science, dans l’art et dans les relations entre ceux que Jaurès appelait « les individus humains ».

Tout le monde reconnaît, dans la théorie, les salons et les couloirs du ministère, que la culture est une dimension fondamentale de l’humanité, mais personne ne s’interroge sur ce que devrait être son contenu pour créer un environnement de vie, de découverte, d’émancipation et de générosité humaines. Les uns pensent, sans toujours oser le dire, qu’elle est un luxe que la société ne peut se permettre qu’après avoir satisfait les besoins matériels immédiats (d’où sa part tout de même réduite dans le budget de l’Etat), les autres proposent des références fossiles et formelles au nom d’un « c’était mieux avant » et certains prétendent que donner un chèque de 500 euros aux jeunes le jour de leurs 18 ans peut faire l’affaire, sans se poser la question de la marchandise qui leur est offerte dans un présent où règne une contre-culture intéressée par le chiffre des recettes et des addictions.

La culture, c’est l’esprit, l’intention qui anime une société. C’est tout ce qui concourt à la découverte de la vérité que la simple perception des sens ne nous permet pas d’appréhender. Mon but est de susciter l’environnement nécessaire pour que puisse apparaître une culture qui élève les êtres humains et non qui les abaisse, une culture qui s’adresse en eux à ce qu’il y a de proprement humain et de grand, et donc de créateur, et non à ce qu’il y a de bestial et de petit. Je dis bien « créer l’environnement » et non imposer un modèle ou un contenu par injonction. Il s’agit d’arroser pour que poussent de belles plantes, parfois inattendues, et non de creuser des ornières. L’oligarchie, elle, prétend répondre à la demande des populations mais en réalité, au contraire, elle impose son environnement irrationnel et promeut une concoction synthétique pour réduire l’être humain à un état de servitude volontaire. C’est ce qui se passe littéralement sous notre nez et que nous devons tous combattre.

Mon projet est fondé sur ce combat décisif. Bien entendu, j’accroîtrai immédiatement le budget de la culture jusqu’à atteindre un niveau proche de celui des armées aujourd’hui, soit 2 % du produit intérieur brut. Il est nécessaire d’exprimer une volonté politique reflétant l’aspiration de la nation. Ainsi je ne tolère pas la disparition d’une centaine de festivals, comme ce fut le cas l’été dernier, appauvrissant la diffusion culturelle sur notre territoire et la centralisant de fait dans les grandes métropoles.

Cependant, si les chiffres ont bien entendu leur importance, ils passent à côté du vrai sujet, un pari sur l’avenir qui est un pari sur l’émancipation de la jeunesse (cf. ma section « Jeunesse : un nouveau printemps émancipateur pour la France »).

Voici les pistes que je propose pour tenir ce pari :

I. Vers un art populaire et savant

  • Incorporer la création artistique dans les programmes depuis la maternelle jusqu’à l’université, en en faisant une priorité éducative qui fasse mettre à tous « la main à la pâte », dans l’enseignement, la pratique et la connaissance des œuvres classiques. La musique en particulier, là où s’exprime la création à sa source, doit être mise à la portée de tous. L’exemple d’El Sistema au Venezuela, mieux que d’autres tentatives, est une référence inspiratrice essentielle.
Incorporer la création artistique dans les programmes depuis la maternelle jusqu'à l'université.
  • Mobiliser à cet effet tous les conservatoires, les écoles de musique et les orchestres nationaux, en coopération avec les écoles et les centres de loisirs, pour introduire les jeunes à la musique si possible dès la maternelle et en tous cas dès le primaire. Il s’agit de donner à chaque enfant la possibilité de chanter en chorale, de découvrir et d’essayer des instruments (cf. ma section «  L’Education, une nouvelle frontière pour la France »). Chaque enfant se verra confier un instrument, dont il sera responsable ainsi que ses parents. Même si mon objectif est de créer une armée d’amateurs plutôt qu’un bataillon de professionnels, l’Etat doit aider les jeunes qui souhaitent ensuite en faire leur métier à acquérir un bon instrument, à condition qu’en échange ils encadrent gratuitement les ateliers d’apprentissage collectifs au moins deux heures par semaine.
Créer une armée d'amateurs plutôt qu'un bataillon de professionnels, l’Etat devant aider les jeunes qui souhaitent ensuite en faire leur métier à acquérir un bon instrument.
  • Généraliser des mercredis musicaux pour que les élèves puissent se rendre à des concerts pédagogiques interprétés par les orchestres symphoniques de notre pays, depuis les Concerts Colonne jusqu’à la Chambre philharmonique. Les concerts pourront aussi se dérouler les samedis et les dimanches en journée, le prix ne devant pas excéder deux euros par enfant et cinq euros par adulte accompagnateur, la prise en charge se faisant par l’établissement scolaire. Les musiciens seront amenés à organiser des discussions et des pédagogiques afin de préparer les enfants à l’écoute ou de répondre à leurs questions.
Généraliser des mercredis musicaux pour que les élèves puissent se rendre à des concerts pédagogiques.
  • Utiliser systématiquement les églises pour les répétitions et les concerts des chorales scolaires et des orchestres classiques, l’acoustique étant généralement faite pour et les édifices disponibles. Ce sera là un des pôles d’une vie rurale retrouvée.
  • Créer des brigades d’intervention artistiques composées de petits ensembles de quelques musiciens qui, loin des grands orchestres, gourmands en effectifs et en logistique, pourront amener la musique dite « savante » mais qui, en réalité, a très souvent été composée pour le peuple, à une population qui ne la connaît pas encore. L’Orchestre debout présente ainsi un exemple très intéressant d’une pratique nouvelle visant à « rendre la musique au peuple ».
Créer des brigades d'intervention artistiques composées de petits ensembles de quelques musiciens qui pourront amener la musique dite « savante » à une population qui ne la connaît pas encore.
  • Renforcer les conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique pour permettre, par delà les jeunes, l’accès de tous à un enseignement de qualité. Chacun, quel que soit son âge, devra pouvoir s’inscrire et se voir prêter un instrument. Dans les conservatoires, les cours individuels seront maintenus, les considérations suivant lesquelles ils seraient porteurs de risques de dérapage importants, notamment du fait d’une relation maître-élève trop proche, n’étant qu’un prétexte masquant la volonté de réduire la masse salariale en diminuant les heures de classe des enseignants. Dans le domaine de la danse classique, bien que l’on trouve sur tout notre territoire des studios de danse ou des conservatoires qui ne désemplissent pas, il n’y a désormais que sept compagnies capables de danser des ballets classiques dans la tradition du répertoire. La France, berceau de la danse classique et où il existe un réel intérêt parmi les jeunes d’une moyenne d’âge de 22 ans, laisse cet art peu à peu mourir, alors qu’en Allemagne chaque théâtre, même de toute petite ville, dispose d’une compagnie. Je me battrai pour qu’on ne laisse pas disparaître des centres d’excellence comme celui du ballet de Bordeaux.
Renforcer les conservatoires de musique, de danse et d'art dramatique pour permettre l'accès de tous à un enseignement de qualité.
  • Redonner aux artistes des arts visuels un sens du métier. Les écoles régionales des beaux-arts n’enseignent plus le b.a.-ba de la composition académique ni le nécessaire apprentissage des techniques. Paradoxalement, l’on apprend souvent mieux à dessiner au sein d’une bonne structure locale d’amateurs que dans une école. Redonner aux étudiants le vocabulaire et la grammaire artistiques indispensables à la création, c’est les aider à juger de leur réelle capacité à produire et aider les artistes à se ressaisir pour s’identifier à ce qu’ils savent et aiment réellement faire et non à ce qu’ils vendent. Cette mesure exigera une réforme en profondeur des institutions de formation (beaux arts, universités, écoles d’art diverses). A partir de leur troisième année, les étudiants devront être à même de reproduire et d’expliquer les grandes œuvres de l’histoire de l’humanité. Cette étape élémentaire est indispensable pour constituer les musées de l’imaginaire que je propose et y populariser les œuvres savantes.
Les écoles régionales des beaux-arts devront enseigner le b.a.-ba de la composition académique et le nécessaire apprentissage des techniques.

II. Pour un art et une science de proximité

  • Créer des musées de l’imaginaire dans toute la France, y compris dans les DROM-COM, afin de mettre à la disposition du public tous les grands chefs d’œuvre de l’histoire universelle, sous forme de reproductions. Ainsi chacun, jeune ou moins jeune, n’attendra pas d’aller au Louvre pour s’interroger sur ce qu’est « une chose de beauté », entrevue auparavant sous forme d’image sur internet. Il s’agit de démultiplier les plus grands musées du monde dans un but de socialisation et d’éducation mutuelle, impossible à atteindre sur des ordinateurs. Le travail non seulement technique, mais aussi historique et philosophique nécessaire à ces reproductions, mobilisant les moyens modernes pour y procéder, sera le vecteur d’une renaissance artistique dans les écoles d’art régionales. Un dialogue permanent pourra alors s’établir entre professeurs et élèves d’écoles d’art et simples amateurs. Ces musées pourront accueillir des expositions d’œuvres originales que mettront à leur disposition les musées nationaux en puisant dans leurs réserves. Les expositions ne devront pas être la « bonne idée » d’experts, mais leur présentation sera organisée en prenant en compte l’avis des principaux intéressés, y compris du public d’amateurs régionaux. Ils seront aussi un lieu permettant de découvrir les produits de l’industrie et de l’artisanat locaux. Des ateliers pratiques permettront aux visiteurs en général et aux jeunes en particulier de comprendre comment sont produites les choses qu’ils consomment. En se plongeant dans les modes de production, ils auront davantage vocation à participer activement à la vie sociale et à devenir eux-mêmes inventeurs dans la société nouvelle. L’objectif à atteindre à moyen terme est d’ouvrir un musée vivant de l’imaginaire pour 500 000 habitants et à moins de 30 à 45 minutes de trajet.
Objectif à atteindre à moyen terme : ouvrir un musée vivant de l'imaginaire pour 500 000 habitants et à moins de 30 à 45 minutes de trajet.
  • Ouvrir un palais de la découverte par région afin que, comme dans le Palais de la découverte à Paris, il soit organisé autour d’expériences scientifiques pour mettre ses visiteurs dans les pas des découvreurs et stimuler les capacités créatrices de tous. Ils seront une infrastructure clé pour les écoles et une inspiration pour l’élaboration des programmes scolaires rompant avec l’apprentissage abêtissant de formules. Comme à Paris, ils seront munis d’un planétarium afin de rendre plus familier l’univers qui nous entoure.
Un palais de la découverte par région pour mettre ses visiteurs dans les pas des découvreurs et stimuler les capacités créatrices de tous.
  • Mettre à la disposition de chaque département un télescope d’au moins 80 centimètres de diamètre. Chaque enfant pourra ainsi se familiariser avec l’espace en observant, au moins une fois dans sa vie, la voûte céleste, les planètes ou même des galaxies. Les proverbiales soirées chamallows des centres de loisirs pourront dès lors s’enrichir de séances de découverte de l’espace.
  • Faire des centres de loisirs un pilier du brassage culturel afin que les jeunes « désensibilisés » par la société des écrans et une télé « fausse réalité » puissent se réapproprier le monde réel. Nous ne devons pas laisser la spontanéité de l’associatif céder le pas aux marchands de passe-temps. Il faut donner aux structures d’accueil les moyens de faire venir plus d’intervenants extérieurs et d’aller à eux. Des séjours à la ferme, par exemple, pourront réconcilier les citadins avec une écologie humaine, celle de l’agriculteur maintenant la nature. Encadrés par des aînés expérimentés, les jeunes pourront participer à des chantiers de fouilles archéologiques, aujourd’hui souvent arrêtés faute de moyens. Ajoutons que les grands travaux du futur lancés par mon projet à l’échelle de toute l’Europe et de l’Eurasie multiplieront, au cours des excavations, les occasions de découvertes du passé et de contacts avec des jeunes d’autres pays. Ce type de projet permettra non seulement de mettre à jour un patrimoine fabuleux mais plus encore, il aidera la génération du « tout, tout de suite » induit par les médias et la publicité de masse, à se familiariser avec le temps long de la naissance et de l’érosion des sociétés et des espèces.
Faire des centres de loisirs un pilier du brassage culturel afin que les jeunes « désensibilisés » par la société des écrans et une télé « fausse réalité » puissent se réapproprier le monde réel.
  • Rétablir le sport de proximité comme discipline physique et mentale de la maîtrise du corps et du vouloir vivre en commun. Il s’agit de présenter systématiquement l’alternative aux dérives du sport-business qui ont rabaissé l’activité physique au dangereux culte de l’athlète, poussent les jeunes à vouloir ressembler aux idoles promues par les médias plutôt que de développer leur richesse intérieure. Je me battrai pour que soit financé un grand effort national d’équipement sportif afin d’assurer que la pratique de tous les sports soit accessible à tous et près de chez eux. L’argent public doit financer les piscines et les terrains de foot, ainsi que les éducateurs en organisant l’accès. Aucun argent public ne devra financer la construction de stades de plus de 15 000 places et tout projet privé devra régler à la collectivité 80 % des dépenses de voirie nécessaires à la mise en desserte de la nouvelle enceinte. Il faut à tout prix stopper la folie financière, associée à celle du Monopoly mondial, dans laquelle s’est lancé un sport professionnel devenu les jeux de cirque de notre temps.
Rétablir le sport de proximité comme discipline physique et mentale de la maîtrise du corps et du vouloir vivre en commun.

 

III. L’audiovisuel pour redonner l’art et la science au peuple

L’art et la science de proximité créeront les conditions pour que chacun puisse se projeter dans le long terme de l’espace-temps, à la fois dans le passé et dans le futur, élargissant ainsi son identité par delà tout communautarisme. C’est en partant du plus près que l’on pourra voir le plus loin. Chacun sera mis à même de se forger un caractère qui aille au delà de son intérêt immédiat et de se considérer dès lors comme un acteur de l’histoire universelle. Le sentiment du beau et du vrai, redécouvrir en nous ce que les grands hommes du passé ont trouvé en eux-mêmes, marcher dans leurs pas, les rattraper, se hisser sur leurs épaules et transmettre aux autres ce que nous voyons depuis ce poste d’observation mentale, les chefs d’œuvre de la poésie universelle comme les champs d’étoiles, est la meilleure garantie contre toute conception étroite et fausse de l’identité. En bref, il y a une culture française mais elle a toujours été enrichie d’influences extérieures que sa nature même l’a portée à absorber et parfois à élever.

C’est pourquoi je propose, pour accompagner et renforcer l’impact de l’art et de la science de proximité, de mobiliser l’audiovisuel pour mettre à la portée de tous les grandes découvertes et les événements artistiques déterminants pour notre futur :

  • Une gestion et une animation de France 5 pour en faire réellement la « chaîne des idées » et de la transmission d’une culture éducative exigeante. France 5 est certes déjà une chaîne de télévision de service public dont les programmes sont axés sur l’éducation, le partage des savoirs et la transmission des connaissances, en vertu du cahier des charges de France Télévisions fixé par le décret du 23 juin 2009. La base est donc bien là. Cependant, les documentaires et les magazines sur lesquels elle est axée, indépendamment de leur intérêt particulier souvent très réel, n’obéissent pas à une vision à long terme cohérente. J’inciterai, dans le sens de mon projet émancipateur, à dépêcher les équipes de France 5 auprès des institutions publiques (CNRS, CEA, Opéras, grands orchestres, etc.) et privées pour impliquer artistes, chercheurs et ingénieurs dans la réalisation de programmes faisant découvrir au peuple ce qu’ils font, comment et pourquoi. Car le défi d’une République est de constamment créer un lien entre l’avant-garde et le plus grand nombre. France 5 étant disponible sur la TNT, le câble, le satellite, la télévision IP et le web, elle devra fournir en masse des contenus de vidéo gratuits, notamment sur internet. Peupler le web de contenus intelligents et éducatifs est en effet une priorité absolue pour relever le niveau général d’internet, à partir de références sérieuses rendant les discussions de type « café du commerce » hors de propos.
  • Etablir un maillage territorial des lieux de lecture et d’écoute, bibliothèques et médiathèques, à la fois en garantissant leur budget face aux choix idéologiques et financiers de certaines collectivités territoriales, et en échappant aux excès d’implantation pour des causes de prestige local sans projet réel.
  • Tous les contenus diffusés avilissant la personne humaine, comme les jeux vidéo ultra-violents ou la présentation de produits synthétiques de nature à fabriquer des drogues dures, doivent être bannis, soit si possible en les interdisant, soit en les surtaxant systématiquement, le produit de la surtaxe étant utilisé pour soutenir la politique contraire d’émancipation des capacités créatrices de l’être humain. Il s’agit de donner un signe de détermination, étant entendu que la diffusion de contenus positifs ludiques et éducateurs est, en amont, le meilleur contrepoison contre toutes les menaces d’évasion vers le virtuel et de radicalisation.
EN BREF
Faire de France 5 la « chaîne des idées » et de la transmission d'une culture éducative exigeante.
Dépêcher les équipes de {France 5} auprès des institutions publiques (CNRS, CEA, Opéras, grands orchestres, etc.) et privées pour impliquer artistes, chercheurs et ingénieurs dans la réalisation de programmes faisant découvrir au peuple ce qu'ils font, comment et pourquoi.
Bannir ou surtaxer tous les contenus diffusés avilissant la personne humaine.

IV. En soutien aux créateurs

Les mesures de soutien aux créateurs n’ont de sens que dans le contexte d’ensemble du combat pour la culture de la vie et de la découverte. Elles n’en sont pas moins immédiatement nécessaires :

  • Pérenniser le régime des intermittents du spectacle dans sa forme actuelle, car il constitue une garantie dans un contexte de mobilité grandissante des manifestations culturelles ;
  • Titulariser les précaires et les permittents de notre service public de la culture, car leur situation scandaleuse est le reflet de la politique du « citron pressé » financier ;
  • Soutenir les Maisons des jeunes et de la culture (MJC), qui soit ferment les unes après les autres, soit sont abusivement prises en tutelle par certaines collectivités locales pour des raisons idéologiques ou financières qui n’ont rien à voir avec la culture. Le rétablissement des dotations de l’Etat en faveur des collectivités territoriales, tel que je le défends, doit impliquer un rétablissement parallèle des subventions en faveur des MJC.
  • Arrêter la priorité financière dans la gestion des conseils d’administration des établissements culturels et y introduire une priorité humaine dans les orientations stratégiques. Les représentants des personnels doivent participer aux processus de décision, associés à des représentants des publics, pour que cette priorité humaine soit assurée.
  • Arrêter la tendance grandissante à privatiser la culture, en redonnant aux représentants de la puissance publique les moyens d’être réellement prescripteurs et non de devoir se soumettre aux modes financières, et abroger le régime de niches et autres avantages fiscaux excessifs en faveur des mécènes, car ils ont aujourd’hui plus de moyens que les Etats de financer les activités culturelles en imposant leurs goûts ou ceux de leurs conseillers artistiques.
EN BREF
Pérenniser le régime des intermittents du spectacle dans sa forme actuelle.
Titulariser les précaires et les permittents de notre service public de la culture.

V. Pour une coopération culturelle internationale

Si l’espace, la mer et l’Afrique sont trois domaines où les objectifs communs de l’humanité devront se manifester et contribueront à la paix dans le monde, la culture est la figure de proue qui doit en porter le message. Les initiatives d’action intérieure que je défends doivent donc avoir nécessairement pour complément des initiatives d’action extérieure :

  • Arrêter la politique de fermeture des activités des Instituts et des Alliances françaises dans le monde, au moment où la Chine y multiplie avec succès ses Instituts Confucius. La fermeture des cours de langue française est catastrophique, alors qu’en 2050, la francophonie se situera principalement en Afrique. Il faut également arrêter de brader notre patrimoine culturel faute de moyens  : avoir laissé se dégrader le palais Clam-Gallas qui abritait notre Institut à Vienne, pour finalement le céder au Qatar, n’est qu’un exemple extrême d’une tendance générale qui ne peut continuer, car elle est synonyme d’abandon de notre influence dans le monde.
  • Créer un Conseil d’action culturelle extérieure auprès du président de la République, afin d’étendre notre effort dans le monde avec une vision et une stratégie plus claires et une générosité partagée et dirigée. Les actions de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère des Affaires étrangères, du département des affaires européennes et internationales du ministère de la Culture et de la Communication et du ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pourront ainsi être mieux supervisées et orientées.
  • Etendre les actions innovantes en matière culturelle de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), en augmentant notre participation à son budget annuel, qui devra atteindre 150 millions d’euros, et en minimisant ses dépenses administratives en faveur de la mise en œuvre effective des programmes.
  • Mettre en place un véritable Forum européen de la culture, pour impliquer les intellectuels européens dans une culture de la découverte et de respect du peuple, correspondant aux vraies valeurs européennes et non aux pratiques anti-démocratiques de l’Union européenne. Ce Forum doit être une véritable institution permanente, et non un simple lieu de réunion se tenant tous les deux ans, comme celui organisé actuellement par la Commission européenne sans réel objectif ni vision.
  • Créer une Agence mondiale de la traduction, pour faire connaître à l’extérieur nos réalisations et celles des autres à notre pays, à travers un développement plurilingue qui éveille à l’accueil de l’autre et enrichisse notre propre culture.
EN BREF
Arrêter la politique de fermeture des activités des Instituts et des Alliances françaises dans le monde.
Etendre les actions innovantes en matière culturelle de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Mon engagement est de sortir d’une culture pour chacun, sans autre référence que sa valeur marchande, en suscitant une culture pour tous reposant sur une familiarisation constante avec les œuvres, dans un contexte social qui éveille la recherche partagée du beau et du vrai.

La culture est l’enjeu principal de la politique pour qu’à la fois revive notre patrie et naisse la République universelle. Car une société sans créateurs devient une société sans liberté, dans laquelle le sommeil de la raison et l’arbitraire d’émotions irrationnelles engendrent des monstres.