Conférence table-ronde à Hayange du 21 mars 2024

Cheminade et Bonnefoy dialoguent de l’avenir industriel avec élus et chefs d’entreprise

vendredi 29 mars 2024, par Agnès Farkas


Le 21 mars 2024, Jacques Cheminade et Pierre Bonnefoy étaient invités à Hayange, en Moselle, pour une soirée d’échange autour du thème : « L’énergie d’aujourd’hui et de demain au service de l’entreprise et de l’humain ».

Dans la grande salle du château Guy de Wendel, un dîner-débat sur l’avenir du nucléaire a réuni une cinquantaine d’invités, pour cette soirée organisée par le « CAC 140 » et son président William Pedrini, avec RE@GIR, sur une idée originale de Philippe Kazenas. Le dynamique Jean-Pierre Georges, ancien président du Réseau Entreprendre en Lorraine Nord, a animé la soirée.

Les invités, Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès, et Pierre Bonnefoy, journaliste scientifique, ont lancé le débat devant un public composé principalement de chefs d’entreprises et d’élus locaux. Une table ronde a suivi, composée de Christian Eckert, ancien secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics, de Bernard Zenner, maire de Cattenom, et de membres de la centrale nucléaire de Cattenom comme Laurent Perez, chef de mission Ancrage territorial.

Les intervenants avaient choisi deux thèmes :

« Comment notre politique énergétique est devenue suicidaire »

Jacques Cheminade commence sa présentation.
Jacques Cheminade commence sa présentation.
A. Farkas

Dès les premiers mots, Jacques Cheminade donna le coup d’envoi du débat qui deviendra très animé au cours de la soirée : « Je me permets de vous le dire avec mon expérience de notre Comité pour Cattenom, puis du Comité national pour l’énergie nucléaire des années 1980. Si notre approche politique d’alors avait été suivie, nous n’aurions pas fait les deux choix qui ont abouti à la situation d’aujourd’hui. Accepter l’ouverture du marché de l’électricité et la marche forcée vers les énergies intermittentes a en effet entraîné la hausse désastreuse du prix de l’énergie, pour nos ménages comme pour notre industrie. »

« Principes pour une politique énergétique cohérente »

Pierre Bonnefoy fait une présentation devant un ensemble d'élus locaux et de chefs d'entreprise lorrains, à Hayange.
Pierre Bonnefoy expose le faux-débat qui pollue les discussions en France sur l’avenir énergétique du pays.
A. Farkas

Pierre Bonnefoy insista sur les conséquences des mauvaises gestions politiques et des contraintes idéologiques adoptées par les gouvernements successifs depuis 40 ans : « A l’automne 2022, la France s’est soudain rendu compte qu’elle avait perdu sa souveraineté énergétique […] Le débat sur l’énergie, tel qu’il se déroule actuellement, repose en réalité sur une fausse opposition entre deux idéologies […] d’un côté, nous avons un écologisme décroissant, qui n’a rien à voir avec la science de l’écologie et la protection de l’environnement […] de l’autre, nous avons un ultra-libéralisme qui n’a rien à voir avoir la liberté d’entreprendre. […] Les spéculateurs ont donc un point commun avec les écologistes décroissants, ils veulent organiser la pénurie. »

Il posa alors le problème : « Maintenant, peut-on réparer les dégâts faits à notre économie ? On nous parle de 100 000 emplois nouveaux dans le nucléaire d’ici 2030. Mais restaurer une politique économique du long terme demande un peu plus que les sept ans nécessaires pour former des soudeurs spécialisés dans ce domaine. Le savoir-faire a été dispersé, et les équipes démoralisées. »

Pour conclure, Jacques Cheminade précisa : « Le nucléaire doit être chez nous un nucléaire citoyen. C’est-à-dire que tous doivent participer de l’état d’esprit qu’il implique, sans qu’il soit réservé à une élite de nucléocrates trop imbue d’elle-même […] Former à découvrir et explorer le futur, comme lorsqu’il y a plus de trente ans, nous nous battions pour Cattenom et le rôle que la France aurait dû jouer dans le monde avec son nucléaire. Je crois que c’est à nouveau possible aujourd’hui ; sans cela, franchement, je ne serai pas venu vous voir ! »

La table ronde : « L’énergie d’aujourd’hui et de demain au service de l’entreprise et de l’humain »

Ouvrant la table-ronde, Christian Eckert demanda un vrai développement de l’éducation dans la recherche scientifique, avec une priorité dans la production d’électricité, un besoin vital pour le pays. « La découverte récente d’une vaste nappe d’hydrogène natif dans la région est une source de richesse énergétique et chimique à exploiter, notamment dans le développement diverses industries locales. » Il a aussi exprimé sa confiance dans la connaissance humaine pour le bien du futur.

De gauche à droite : Christian Eckert, ancien secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Perez, chef de mission Ancrage territorial à EDF, et Jean-Pierre Georges, ancien président du Réseau Entreprendre en Lorraine
A. Farkas

Comme l’a rappelé Laurent Pérez, Cattenom produit 75 % de l’électricité de la région du Grand Est, tandis que les énergies renouvelables n’en produisent que 1 à 2 %. « La mise en concurrence des marchés de l’énergie nuit au maintien des prix de l’électricité dans des fourchettes basses pour le plus grand profit de tous. »

Bernard Zenner, maire de Cattenom, annonça l’ajout de deux tranches à la centrale de Cattenom, qui en possède quatre actuellement. Il appela à une « mobilisation des élus en soutien à l’obtention d’un terrain pour la construction d’un EPR » et que soit « votée une loi en direction de l’accélération des énergies ». Il a interpellé sur le fait que les centrales nucléaires américaines ont une durée de vie de 100 ans et que notre gouvernement, sur des centrales identiques, ne leur en donne que 40.

Dialogue avec la salle

La parole ayant été donnée au public, les questions ont surtout porté sur la situation désastreuse de nos industries, le trop-plein de charges sociales, etc. On a pu entendre, entre autres : « L’industrialisation du territoire n’est pas incitative au vu du coût de l’énergie » ; « Nous sommes en dessous en matière d’investissement » ; « Nous subissons les contraintes européennes » ; « Notre parlement est inconscient des réalités du territoire » ou encore « Les lobbies européens dictent les prix ».

Laurent Pérez demanda « une sortie de la mise en concurrence des prix de l’énergie dictée par les marchés financiers », car les entreprises en sont de gros consommateurs et ne peuvent survivre dans ce contexte. Christian Eckert réclama à son tour un « tarif de vente juste aux particuliers et à une loi dictée par la Commission de régulation de l’énergie ».

Pour Jacques Cheminade, « une société n’a de futur que dans l’existence d’une vraie liberté d’entreprendre, avec une société de chercheurs qui découvrent dans l’inconnu », avant d’ajouter, paraphrasant Albert Einstein : « Il n’y a pas de solution dans les termes que pose le problème. »

La promesse d’une prochaine rencontre dans la ville de Cattenom a conclu la soirée.